20 février 2013 – Le vrai, le faux et le totem technologique
Publié le 20 février 2013 par Bruno Racouchot
Introducing Truth Teller : Political fact-checking : sous ce titre, le Washington Post annonçait fin janvier qu’il avait mis au point une nouvelle application technologique permettant de vérifier le bien-fondé des messages des hommes politiques. Toute déclaration serait ainsi passée au crible au nom de la vérité. De prime abord, qui ne pourrait se réjouir de cette belle avancée tout à la fois éthique et scientifique ? Les chiffres, les algorithmes, les ratios et autres data sont ainsi appelés à la rescousse. Qui oserait les contester ? Sauf que nous sommes là en pleine manœuvre d’intoxication. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’exercice vise prioritairement le monde politique. Analysons les faits d’un peu plus près, et nous verrons que ce fétichisme technologique ne tient pas la route. Et que ce bon vieux Nietzsche peut être d’un solide recours pour démasquer ces impostures !
De la Généalogie de la morale au Gai savoir, Nietzsche a bien mis en évidence que les formes de pouvoir reposaient sur la capacité à dire le bien ou le mal, le faux ou le vrai. Se parant des oripeaux de la technologie, le Washington Post prétend donc s’ériger en juge. Mais la question de fond demeure : qui donne aux machines les paramètres pour vérifier les assertions émises ? Sur quelles bases de données reposent les algorithmes ? Aucune donnée n’est neutre dans son traitement. D’ailleurs, le quotidien Libération qui évoque dans son édition du 18/02/13 cette innovation d’outre-Atlantique, rapporte cette confession troublante du chef de projet : « Les ordinateurs peuvent faire des choses formidables, mais il faut leur dire de les faire »… Si le politique veut recouvrer sa vocation initiale, donc sa puissance comme son influence au service du bien public, il doit se repositionner sur son socle initial : la capacité à donner du sens et des repères à son action. Ce qui implique de ne pas céder aux sirènes des totems technologiques qui ne sont bien souvent que des instruments d’asservissement de la pensée, comme l’avait très bien analysé Georges Bernanos dès 1947 dans La France contre les robots. L’influence réside avant tout en le libre jeu des idées. En ce sens, elle est garante de la liberté de penser et d’agir.
Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence
Consulter l’article du Washington Post
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