20 février 2014 – Prise de décision, résistance au changement et leviers d’influence
Publié le 20 février 2014 par Bruno Racouchot
« Mes travaux s’intéressent pour l’essentiel aux différents processus de résistance au changement. Je tente de comprendre comment nous en arrivons à être influencés, pas seulement par les autres mais aussi par nous-mêmes. Notamment en me penchant sur cette face obscure de la prise de décision dans laquelle nous sommes amenés à décider en prenant appui sur des normes, des routines et des habitudes que l’on appelle en psychologie, préjugés et stéréotypes. Parfois au détriment du libre arbitre, puisque nous sommes dans l’illusion. » Ce constat ouvre une intéressante tribune publiée par Patrice Georget, maître de conférences en psychologie sociale à l’université de Caen, dans les colonnes de l’hebdomadaire Le nouvel Economiste (n° 1701 du 14/02/14). Patrice Georget cherche ainsi à comprendre comment nous réagissons « lorsque nous sommes stressés, saturés d’informations. Cette baisse de vigilance nous amène à décider dans l’incertitude, en l’absence de sens critique, car des réflexes automatiques vont piloter le comportement. » Nous sommes donc influencés par des pensées que nous considérons comme naturelles, justes et acquises.
Patrice Georget pointe tout particulièrement les préjugés naturels, les « euristiques ». L’euristique, explique-t-il, est un levier décisionnel, un réflexe qui nous permet de décider rapidement. Et de donner quelques exemples : « Ce qui est lourd a de la valeur », « ce qui est rare est cher », « ce qui est scientifique est vrai »… On sait que les experts en marketing utilisent depuis longtemps ces approches pour séduire les consommateurs. L’analyse de Patrice Georget est intéressante en ce qu’elle permet de comprendre comment nous nous trouvons, bien malgré nous, sous influence dans nombre de situations – le mot influence étant ici perçu dans son approche négative. Et de proposer plusieurs antidotes aux processus de manipulation, comme se mettre à la place de l’autre et imaginer le mal qu’il pourrait nous faire, ou encore savoir-prendre du recul par rapport à soi-même. Au-delà de ces jeux d’influence personnelle et de contre-influence reposant sur l’analyse des comportements, il faut bien comprendre comment se structure le jeu entre les idées et nos perceptions du monde. C’est là que l’on pénètre dans le domaine cher à Communication & Influence… Car la force d’une communication d’influence, bien loin de se réduire à de simples recettes comportementales, réside d’abord en la qualité des contenus rédactionnels proposés, qui vont soit séduire, soit amener à un réexamen de la position initiale. Nous sommes donc là dans un champ proche de la rhétorique. Ceux qui en doutent pourront se reporter 25 siècles en arrière, aux dialogues de Platon ou aux comédies d’Aristophane. L’influence, dans l’acception positive du terme, se trouve ainsi intimement liée aux prémices de la pensée européenne. Comme nous l’écrivions récemment avec Alain Juillet [ndlr : « Les stratégies d’influence ou la liberté de l’esprit face à la pensée convenue », Alain Juillet et Bruno Racouchot, Revue internationale d’intelligence économique 4 – 2012, reprise dans Communication & Influence n° 41, février 2013], l’influence se révèle bel et bien être inséparable de la liberté de penser…
Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence
Lire la tribune de Patrice Georget dans Le nouvel Economiste
Lire « Les stratégies d’influence ou la liberté de l’esprit face à la pensée convenue »