12 janvier 2015 – Tuerie Charlie : violence et influence, action et communication
Publié le 12 janvier 2015 par Bruno Racouchot
Une fois épuisées les vertus de la catharsis des grandes manifestations en hommage aux victimes des récentes attaques terroristes, il est temps d’analyser lucidement la situation. Au-delà des aspects techniques relatifs au renseignement et à la lutte antiterroriste, c’est à l’articulation entre violence et influence, action et communication, qu’il convient ici de s’attacher. Deux intéressantes approches, émanant de spécialistes reconnus du renseignement, viennent d’être publiées. La première émane d’Eric Denécé et du CF2R (Centre français de recherche sur le renseignement – www.cf2r.org), la seconde de Xavier Guilhou (www.xavierguilhou.com). L’un comme l’autre mettent en évidence la cohérence qui unit ici action tactique, volonté stratégique, maîtrise des rouages psychologiques et préemption du champ médiatique. L’action terroriste est bien plus subtile qu’il n’y paraît de prime abord, elle est polymorphe et joue admirablement de nos faiblesses intellectuelles et émotionnelles. A cet égard, il y a fort à craindre que le registre compassionnel sur lequel jouent nos « élites » ne facilite grandement les visées de nos ennemis. Ces derniers viennent indubitablement de remporter la première manche explique ainsi Xavier Guilhou, expert en gestion de crise, ne serait-ce que parce que nous venons de leur « redonner un statut mondial et quasi étatique en termes de reconnaissance alors qu’il s’agit d’une bande de criminels et de mafieux qui usent et abusent de la terreur partout où leur signature s’est imposée ». Il y a fort à craindre qu’enfermés dans leurs certitudes comme dans leur dogmatisme, incapables de penser sur le mode stratégique tout comme ils sont impuissants à penser les faits dans leur cruelle réalité, nos gouvernants et nos « élites » ne perçoivent absolument pas le jeu de la communication et de l’influence dans la logique terroriste.
Soulignant que face au terrorisme, il n’existe pas de recette à 100% efficace, Eric Denécé rappelle d’une part l’excellent travail mené par nos services de renseignement et d’autre part, il pointe du doigt les faiblesses de nos ennemis. De même, il n’hésite pas à désigner les véritables inspirateurs de ces actes. Dans une note synthétique de 7 pages, il met aussi en relief nos incohérences en matière de politique étrangère, notamment sur le front syrien, tout comme celles des États-Unis en Irak. Et il rappelle que, contrairement à ce que pourrait hâtivement nous faire croire une perception fondée sur la seule émotion, on doit bel et bien constater un recul général des radicaux et des terroristes. Ceux-ci, au final, ne parviennent à exister qu’en jouant sur la carte communicationnelle et en exploitant à fond les failles de notre émotivité, exacerbée par les médias. Confortant cette approche, Xavier Guilhou écrit fort justement : « Ces réseaux, qui ne sont que du ressort du grand banditisme et de la grande criminalité internationale, et qu’il faut traiter comme tels, ne font que surfer sur nos faiblesses et lâchetés. Nous aurons d’autres alertes et d’autres opérations sûrement plus dures. Soyons en premier lieu plus robustes au niveau de nos organisations sécuritaires, beaucoup plus résilients au niveau de la population et surtout moins infantiles sur les plans médiatiques et politiques, univers qui constituent de plus en plus des maillons faibles parfaitement exploités par ces dispositifs entrainés et déterminés »…
Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence
Télécharger l’éditorial d’Eric Denécé
Télécharger l’analyse de Xavier Guilhou