22 Octobre 2015 – Gangs, cybercriminalité, communication et influence
Publié le 22 octobre 2015 par Bruno Racouchot
« Le cyberespace a profondément modifié la lecture des rapports de force. Cet espace technologique s’est immiscé dans le champ militaire comme dans celui de la criminalité : il a offert de nouvelles armes, de nouveaux outils de communication et de manifestation de la violence, ainsi que de nouvelles opportunités, ressources et cibles. La fluidité des flux de données a transformé les organisations criminelles de la même manière que dans d’autres secteurs de l’activité économique et sociale, en renforçant la réticularité au détriment de la centralisation et de la hiérarchie. » Ainsi s’ouvre le Focus stratégique n° 60 publié tout récemment par le Centre des études de sécurité de l’IFRI, l’Institut Français des Relations Internationales, sous le titre : La cyberguerre des gangs aura-t-elle lieu ? Il nous intéresse ici tout particulièrement parce qu’y sont mis en relief les techniques de communication et d’influence qu’utilisent désormais au quotidien les gangs et l’univers de la cybercriminalité. Les expressions « cyberbanging » ou « Internet banging » ont ainsi été forgées pour désigner cette présence sur Internet des gangs de rue et autres organisations criminelles.
L’auteur, Daniel Ventre, ingénieur d’études au CNRS et titulaire de la chaire de Cybersécurité et cyberdéfense des Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan, montre bien comment s’articulent les rapports entre hard et soft power dans le monde criminel. Là comme ailleurs, la question de la perception de l’image se révèle être de plus en plus un facteur-clé de la réussite et de la domination. Daniel Ventre s’interroge : « Quel rôle joue le cyberespace dans la transformation des gangs ? Permet-il de nouvelles formes d’organisation, de nouvelles relations des membres des gangs entre eux ou avec la société ? Modifie-t-il les rapports de force avec la police ou l’armée ? » De fait, Internet sert de vecteur aux gangs pour entretenir leur image. Ils y exhibent leur puissance, revendiquent des succès, usent de violences toujours plus fortes pour impressionner leur écosystème. « La communication déployée via les médias sociaux a plusieurs cibles : les membres du gang tout d’abord, dans une optique de cohésion ; ensuite, les membres des gangs rivaux afin de les impressionner et de susciter la crainte ; un public plus large enfin (forces de l’ordre et autres institutions publiques, populations locales), qu’il s’agit tout à tour de séduire et de fasciner, ou au contraire de terroriser et de dissuader de toute action hostile. Quelles que soient la nature, l’origine ethnique ou la localisation des gangs, ces derniers ont pour point commun de se servir d’Internet pour promouvoir les ‘valeurs’ du groupe. » La lecture attentive de cette étude stratégique, claire et facile d’accès, confirme ce que nous répétons dans ces colonnes depuis de nombreuses années : l’identité constitue le socle de toute stratégie d’influence. Qu’elle soit politique, économique, sociale, culturelle, religieuse… ou criminelle !
Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence
Télécharger l’étude de l’IFRI sur la cyberguerre des gangs