5 avril 2016 – Maîtrise de l’eau et jeux d’influence
Publié le 5 avril 2016 par Bruno Racouchot
Les promesses de l’eau : telle est la thématique abordée dans le dernier n° de Constructif, revue de belle tenue publiée par la Fédération française du Bâtiment (FFB), qui rassemble trois fois par an des contributions plurielles aux grands débats de notre temps. Dans son éditorial évoquant les enjeux stratégiques liés à la maîtrise de l’eau, le président de la FFB, Jacques Chanut, note avec pertinence qu’il s’agit là de questionnements avant tout très politiques. « Les formes, les usages et la nature de l’eau ont évolué au fil des temps, comme la perception qu’on en a, écrit-il. Aujourd’hui, l’eau est bien perçue comme une richesse, « le pétrole du XXIe siècle », pour reprendre les termes des dirigeants de… Goldman Sachs. C’est pourquoi elle suscite une intense rivalité entre États soucieux de s’approprier le maximum de ressources hydriques. Mais elle est aussi une richesse très inégalement partagée, puisque des milliards de personnes manquent d’eau potable. » De fait, tout ce qui touche aux grands défis géopolitiques implique de vastes jeux d’influence. Et l’eau en fait naturellement partie.
La brillante contribution d’Hervé Juvin à ce dossier va directement en ce sens. Il y rappelle que nombre d’enjeux de puissance ne peuvent être gagnés sans l’engagement de stratégies d’influence. « La course à l’eau est aussi une course à la maîtrise de l’eau. Comme l’air, comme le feu, l’eau est un élément. Janus à double face l’eau de la vie est aussi l’eau de la mort. Et ce dernier thème a toutes les chances de jouer un grand rôle dans les années à venir. » Et précise-t-il, « l’innovation appelée par la course à l’eau, et aussi contre l’eau, sera technique, sans doute. Elle sera plus encore culturelle et sociale. Culture du risque, diffusion et participation de tous au devoir de prévention priorisation des intérêts vitaux des collectivités, notamment dans l’équilibre des relations avec leur environnement, une chose est certaine, le meilleur moyen de gagner la bataille de l’eau est de ne pas l’engager. Les anciens le savaient : à la fin, l’eau gagne toujours. »
Parmi les nombreux auteurs qui ont accordé de solides contributions à la revue, on en notera spécialement deux qui nous intéressent ici au premier chef puisque portant directement sur les relations entre puissance et influence : celle de Franck Galland relative aux enjeux géopolitiques de la soif et celle de Georges Vigarello concernant la place de l’eau dans l’imaginaire moderne. Franck Galland rappelle ainsi que « ce sont des pays (Yémen, Syrie, Libye) qui présentaient déjà des caractéristiques prégnantes d’extrême faiblesse en matière de ressources en eau qui sont aujourd’hui le théâtre de destructions sauvages, ce qui vient hypothéquer un peu plus leur avenir hydrique, et celui de toute une région. » Les jeux d’influence, de désinformation et de manipulation qui sont à l’œuvre – notamment sur le plan médiatique – dans ces configurations géopolitiques à haut risque sont donc des leviers essentiels de puissance. On ne saurait donc cantonner la question-clé de la maîtrise de l’eau aux seuls facteurs techniques. En ce sens, la contribution de Georges Vigarello est éclairante. Elle montre comment au fil des siècles s’est modifiée la perception que les sociétés humaines se faisaient de l’eau dans leur organisation, notamment urbaine. Là encore, on observe une interaction permanente entre les évolutions techniques, les modifications qu’elles impliquent au sein des sociétés, lesquelles, de fait, font évoluer les perceptions et les représentations humaines. Au final, Constructif nous livre ici – comme à l’accoutumée serait-on tenté de dire – un n° de haute tenue qui invite à réfléchir sur un enjeu-clé de notre avenir et met en relief l’interaction qui existe entre les réflexions sur la technique et la sphère de l’influence…
Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence
Voir l’analyse de Franck Galland
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