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Une publication du cabinet
9 novembre 2024 – Mémento de contre-influence ou comment réagir face à une attaque informationnelle : le décryptage de Bruno Mignot.
Publié le 11 novembre 2024 par Bruno Racouchot
En mai dernier, le général (2S) Bruno Mignot nous avait très aimablement accordé un entretien pour notre Lettre mensuelle Communication & Influence (n°155)1, dont l’intitulé était L’influence par l’amalgame, une arme puissante de guerre informationnelle. Dans la droite ligne de ses précédentes études sur l’influence et comme il nous l’avait annoncé, il vient de publier – chez L’Harmattan, comme pour ses autres ouvrages – un Mémento de contre-influence, préfacé par Claude Revel2, qui fut notamment Déléguée interministérielle à l’intelligence économique auprès du Premier ministre de 2013 à 2015. Solidement documenté, émaillé d’exemples, s’appuyant sur un socle théorique bien charpenté et un précieux appareil critique, ce mémento a, de l’aveu même de Bruno Mignot dans son introduction, « vocation à servir très concrètement aux décideurs privés et publics, et à leur offrir des outils directement utilisables dans l’élaboration de leur stratégie de contre-influence. »
Bruno Mignot procède avec méthode, on reconnaît là la rigueur de la planification stratégique militaire. Il explique d’abord comment reconnaître une attaque en influence, puis de quelle manière prévenir au mieux ce type d’offensive. Il continue en décrivant la façon idoine de mener une opération de contre-influence en mode crise, puis décline des cas concrets d’application des techniques de contre-influence. Chaque étape est soigneusement balisée et envisage de multiples possibilités d’évolution. L’intérêt de la démarche est certes d’être pratique, mais sans jamais perdre de vue le champ global au sein duquel on évolue et en prenant toujours de la hauteur de vue. Ces allers-retours permanents entre vision globale et préoccupations de terrain sont salutaires et constituent un salutaire exercice mental, nous obligeant à sortir des recettes toutes prêtes pour explorer au contraire l’ensemble des champs du possible.
Bruno Mignot s’appuie sur des sources sérieuses et reconnues, dont nombre d’auteurs qui ont, depuis 2008, accordé des entretiens à Communication & Influence. Il a aussi le mérite de faire découvrir au monde civil les ressources de la planification stratégique. Ainsi, son chapitre II met en parallèle les analogies entre sphère civile et sphère militaire et expose, pour les esprits non avertis, les mérites insoupçonnés de la « planification à froid », segmentée en sept phases : l’identification de l’état final recherché, la parfaite connaissance de l’écosystème, l’analyse des risques informationnels, les mesures d’atténuation des risques, la conception opérationnelle, le suivi des signaux avant-coureurs et enfin les tests à conduire.
Comme il l’écrit dans sa conclusion (ce qu’a parfaitement relevé Claude Revel dans sa préface), « l’époque actuelle est à l’influence décomplexée et c’est une tendance lourde. » De fait, à tous les échelons, les décideurs publics et privés au même titre que les opinion makers et l’ensemble des stakeholders/parties prenantes des entités concernées, doivent désormais intégrer ce paramètre-clé dans leur stratégie comme dans leurs déclinaisons pratiques. Certes, explique Bruno Mignot, « non pas que la fonction en elle-même soit nouvelle puisqu’elle se pratique depuis la nuit des temps, mais elle est de plus en plus visible et nombre d’acteurs sont désinhibés dans leur politique de puissance en s’adonnant à une influence agressive à la limite du conflit ouvert. Masquée par nature car basée sur l’utilisation de relais, l’influence actuelle se joue effectivement de plus en plus à découvert. »
Surtout, Bruno Mignot appelle à faire preuve de pragmatisme, à sortir de nos logiques en silos et à intégrer ce levier majeur qu’est l’IA dans nos outils. Sur les brisées de Christian Harbulot, il plaide pour un retour à l’esprit offensif. En effet, ce mémento de contre-influence n’est pas seulement défensif, il invite à ouvrir les yeux et repartir à l’attaque dans un monde impitoyable. « C’est bien d’un changement de mentalité dont il s’agit et ce travail sera long et fastidieux. Mais combien de combats perdus avant cette rupture, combien d’emplois détruits ? Il faut d’autant réagir qu’en 2027, 90 % de la production d’informations seront générés par l’IA. Allons-nous conciliabuler encore longtemps sur l’utilisation vertueuse ou non du bâton quand les adversaires se préparent à déferler avec des armes en acier ? Dans la bataille informationnelle qui va s’engager, peut-on encore revendiquer un corpus de valeurs tel qu’il autorise à mourir dignement dans son droit, plutôt qu’à rester vivant en étant sorti des clous après avoir utilisé les mêmes armes que l’adversaire ? Combien de temps cette posture tiendra-t-elle ? »
Il y a un an, en novembre 2023, le n° de Communication & Influence3 avait pour invité Arnaud de Morgny, bras droit de Christian Harbulot dans le cadre du CR451 – Centre de recherche appliquée de l’Ecole de guerre économique. Arnaud de Morgny, qui avait alors codirigé, avec Christian Harbulot et Nicolas Moinet, le second numéro de la revue Guerre économique intitulé Comment gagner ? (Nouveau Monde Editions, septembre 2023), dressait le constat suivant : « L’influence est un outil puissant dans la guerre économique, permettant de gagner des avantages concurrentiels, de déstabiliser des concurrents, de promouvoir des concepts qui favorisent l’achat de produits ou de créer des conditionnements d’usage, de sécuriser des partenariats stratégiques et de créer des conditions favorables pour les opérations économiques mais aussi d’atténuer ou de faire disparaitre l’existence même de la guerre économique. » Les derniers ouvrages de Bruno Mignot se situent dans ce même axe et invitent à enclencher une même dynamique.
De fait, cher Bruno, merci de sonner le tocsin avec ce Manuel de contre-influence ! Il est en effet grand temps de prendre conscience de la situation dramatique où nous sommes et de nous extraire des schémas surannés qui paralysent les esprits. Car nous sommes faibles surtout de nos propres présupposés et scrupules, d’un autre temps, sans compter les mainmises mentales opérées par des concurrents, adversaires et parfois ennemis, quand bien même se prétendent-ils nos alliés. Timeo Danaos et dona ferentes, disait le poète Virgile. La formule antique vaut pleinement aujourd’hui, s’appliquant aussi bien à la sphère des relations internationales, à la géopolitique ou à la géoéconomie. Des hommes d’origine aussi diverses qu’Alain Juillet ou Christian Harbulot ne disent pas autre chose.
Pour se procurer l’ouvrage : cliquez-ici
1/ Communication & Influence N°155 de mai 2024 – pour ceux qui veulent en savoir plus sur la parcours du général (2S) Bruno Mignot, voir en particulier sa biographie exposée en p.6 de ce document.
2/ Claude Revel avait été l’invitée de Communication & Influence en juin 2012 (n°34), le titre de son intervention était alors Influence , lobbying, public diplomacy… la France face aux armes du smart power. Pour télécharger l’entretien
3/ Communication & Influence N°149 de novembre 2023
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