6 juillet 2018 – Du diktat américain sur l’Iran au scandale d’Etat de l’affaire Alstom : Jean-Michel Quatrepoint en pointe dans la guerre économique sur l’extraterritorialité

Publié le 11 juillet 2018 par Bruno Racouchot

« Que ce soit hier avec Alstom ou aujourd’hui avec l’Iran, l’extraterritorialité du droit américain constitue une réelle menace. Rappelons que BNP Paribas a été condamnée à près de 9 milliards d’amende pour les activités de sa filiale suisse sur l’Iran et le Soudan. Idem pour la Société générale. Or, force est de constater qu’en l’état actuel des choses, les entreprises françaises n’ont pas les moyens de s’y opposer. » Ni les moyens techniques, ni surtout la volonté politique… Journaliste chevronné, fin connaisseur des arcanes de l’économie internationale, Jean-Michel Quatrepoint a accordé une interview sans langue de bois aux notes CLES (Comprendre les enjeux stratégiques, notes géopolitiques de Grenoble Ecole de Management) sur le thème – ô combien d’actualité ! – de l’arme de l’extraterritorialité, maniée à la perfection par les autorités américaines pour faire plier leurs « alliés » dans une guerre économique chaque jour plus impitoyable. Et Jean-Michel Quatrepoint de rappeler que derrière les jeux d’influence reste toujours omniprésente et fondamentale la dimension puissance.

« Nous évoluons là en plein cœur de la logique de la guerre économique. Si nous sommes faibles, les Chinois eux, sont en position de force. D’abord ils n’ont pas à l’égard des Etats-Unis un sentiment de vassalité comme l’ont les Européens. Ensuite, le parti proaméricain en Chine n’est pas très efficace, alors qu’il est très puissant en France et en Europe. Pour ne prendre qu’un exemple, la moitié de la France, y compris chez les militaires, est sous influence de l’Otan. Quand a éclaté l’affaire de l’espionnage conduit par la NSA via les écoutes téléphoniques du président en activité François Hollande, personne n’a pipé mot, de crainte que les Etats-Unis n’exercent des pressions. En fait, l’Europe a pris l’habitude de se coucher, et cela depuis bien longtemps ! Et quand on est resté trop longtemps couché, il est difficile de se relever. Les Chinois, eux, sont debout, et le fait qu’ils détiennent 1.100 milliards de dollars de bons du Trésor américain n’est pas anodin »… Qui a des oreilles entende !

Jean-Michel Quatrepoint met en particulier en relief les aspects liés aux jeux d’influence dans ces affrontements. Il pointe ainsi du doigt sans ménagement la presse mainstream, inféodée aux règles « morales » qui prévalent aux Etats-Unis et permettent d’étouffer toute velléité de réflexion sous peine de diabolisation. « De nos jours, la presse mainstream vit au présent, dans l’instantanéité. Or la géopolitique et la géostratégie ne peuvent se concevoir et se pratiquer sérieusement qu’en connaissant l’histoire qui permet d’analyser le présent et de se projeter dans l’avenir en formulant des hypothèses. En outre, c’est une presse manichéenne, sans nuances. Les médias mainstream, le monde économique et les classes politiques au pouvoir, qui sont tous trois en collusion depuis un quart de siècle, ont établi une doxa TINA (There is no alternative) hors de laquelle il est interdit ou du moins périlleux de s’aventurer. Cette tendance à faire prévaloir à tout prix le politiquement correct nous vient des Anglo-saxons, plus spécialement de la gauche américaine. » Mais cette tendance se voit de plus en plus contestée et ce soft power américain remis en question : « Voyez le front du refus qui s’établit aujourd’hui face à la férule du politiquement correct avec des pays comme la Chine, l’Inde, la Russie, la Turquie… On en revient à la vraie guerre froide de 1947. Dès lors, les Européens sont sommés de se plier à la règle de fonctionnement du politiquement correct sur le modèle anglo-saxon. »

Alors oui : diktat américain sur l’Iran obligeant les entreprises étrangères à quitter le pays, pillage sans vergogne des fleurons de l’industrie européenne, dont le scandale d’Etat que constitue l’affaire Alstom est l’une des plus tristes illustrations… Qui oserait encore contester que la guerre économique fait rage ? Les Etats-Unis imposent sans fard leur logique à leurs « alliés », ceux-ci faisant preuve d’une stupéfiante vassalité, qui plus est, consentie avec une totale servilité. C’est ainsi que les Etats-Unis mettent en œuvre le principe d’extraterritorialité, qui fait primer leur droit national à l’échelle planétaire. Dans cette guerre d’un nouveau genre, au-delà des aspects juridiques et techniques, Jean-Michel Quatrepoint montre bien que le formatage des esprits reste un paramètre prépondérant. En bien comme en mal, l’influence reste un formidable levier de puissance…

Bruno Racouchot, directeur de Communication & Influence

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Voir le film Guerre fantôme où intervient Jean-Michel Quatrepoint

 

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