03 avril 2013 – Le crime organisé entre fiction et réel

Publié le 3 avril 2013 par Bruno Racouchot

Le crime organisé et les mafias usent des techniques de la communication d’influence pour nourrir leur propre mythologie. Ce constat émane d’un spécialiste qui les connaît bien, le commissaire Jean-François Gayraud, auteur de nombreux ouvrages sur la question, (voir en particulier le dernier, co-écrit avec François Thual, Géostratégie du crime, Odile Jacob, 2012). Dans un entretien sans langue de bois accordé à Jean-François Fiorina, directeur de l’ESC Grenoble, dans le cadre des notes mensuelles de géopolitique (CLES – Comprendre les enjeux stratégiques), il souligne : « Le système, pour des raisons économiques et culturelles, intègre le crime dans le paysage. Ce qui revient symboliquement à le banaliser. Hollywood vend du divertissement, il faut attirer le spectateur. Or la vision de la mafia délivrée  en fait un mythe, mythe qui vient rétroagir sur le réel. La fiction ne se nourrit pas du réel, c’est le réel qui se nourrit de la fiction. Le paradoxe est que les récits mythifiés délivrés par le cinéma ou la littérature concernant la mafia, finissent par nourrir la mythologie des criminels eux-mêmes. »Jean-François Gayraud donne ainsi l’exemple de la trilogie du film Le Parrain. Avant lui, les films noirs produits par Hollywood, ne mentionnent jamais le mot « mafia ». « Par crainte révérencielle » précise Gayraud. D’autant que la Mafia contrôle une large partie du monde du cinéma… Les films produits sont « sous contrôle ». Le mot mafia n’apparaît ainsi que dans les Parrain II et III, lorsque la Mafia y voit clairement son intérêt, à savoir nourrir sa propre mythologie. « Coppola crée avec son film une mythologie mafieuse qui fascine depuis tous les mafieux. Cette mythologie qui se structure avec leur assentiment va concrètement influencer le comportement des mafieux eux-mêmes. La  police observe ainsi qu’ils reprennent les phrases, les codes, les manières d’être et de parler des films… De la sorte, la société du spectacle, consciemment ou non, donne des fondations et un substrat culturel à ces phénomènes criminels. Or, l’une des particularités de ces grandes organisations criminelles – au premier rang desquelles les mafias – est qu’elles se sont inventé un corpus mythologique qui sert à leurs membres. Il est beaucoup plus valorisant de s’imaginer un rôle social ou politique, plutôt que d’apparaître pour ce que l’on est réellement, à savoir un tueur ! » La Mafia a donc parfaitement compris que sa capacité à exercer une influence sur ses stakeholders passe par son aptitude à délivrer du sens et des repères, donc à offrir une identité forte, règles d’or de la communication d’influence, même si en l’occurrence, elles se trouvent être mises dans les mains sales du crime organisé ! Il serait grand temps que ceux qui le combattent engagent à leur tour des opérations de contre-influence en matière de perception des enjeux criminels…

Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence

Consulter l’entretien

Partagez cet article
    • Invités :

      Patricia Adam
      Christophe Assens
      Alain Bauer
      Jérôme Barrier
      Philippe Baumard
      Alain de Benoist
      Henri Bentégeat
      Jean-François Bianchi
      Philippe Bilger
      Pierre Boisserie
      Philippe Bornet
      Thierry Bouzard
      Patrick Buisson
      Charles-Edouard Bouée
      Eric Branca
      Rony Brauman
      Pierre Buhler
      José Bustani
      Bernard Carayon
      Jean-Yves Carfantan
      Rodolphe Cart
      Yann Caspar
      Hugues Cazenave
      Gérard Chaliand
      Raphaël Chauvancy
      Edouard Chanot
      Yves Christen
      Jean-François Colosimo
      Augustin de Colnet
      André-Paul Comor
      Pierre Conesa
      Christian Coutenceau
      Dominique David
      Eric Delbecque
      Marie-Danielle Demélas
      Eric Denécé
      Général Vincent Desportes
      Slobodan Despot
      Hadrien Desuin
      Nicolas Dolo
      Daniel Dory
      Henri Dou
      Gérard-François Dumont
      Bernard Esambert
      Pierre Fayard
      Jean-François Fiorina
      Michel Foucher
      Jérôme Fourquet
      Ludovic François
      Michel Foucher
      Franck Galland
      Marie-France Garaud
      Valérie Gaschignard
      Jean-François Gayraud
      Pascal Gauchon
      Thibaud Gibelin
      Sylvain Gouguenheim
      Michel Goya
      Xavier Guilhou
      Christian Harbulot
      Jean-Vincent Holeindre
      Jean-Marc Huissoud
      François-Bernard Huyghe
      Alain Juillet
      Hervé Juvin
      Thibault Kerlirzin
      Olivier Kempf
      Aude de Kerros
      Frédéric Lacave
      Yves Lacoste
      Alexandre Lanzalavi
      Lucie Laurent
      Patrice Lefort-Lavauzelle
      Erik L’Homme
      Gilles Lipovetsky
      Pascal Lorot
      Florian Louis
      Mathieu Lours
      Didier Lucas
      Jean de Maillard
      Olivier de Maison Rouge
      Thierry Marx
      Michel Maffesoli
      Christian Marcon
      Olivier Marleix
      Guy Massé
      Jean-Dominique Merchet
      Flavio Werneck Meneguelli
      Bruno Mignot
      Nicolas Moinet
      Thibault de Montbrial
      Thierry de Montbrial
      Arnaud de Morgny
      MSIE 36
      Martin Motte
      Jean-Baptiste Noé
      Laurent Obertone
      Rémy Pautrat
      Jean-Paul Picaper
      Cynthia Picart
      Frédéric Pichon
      Frédéric Pierucci
      Frédéric Pons
      Bruno Racouchot
      Mériadec Raffray
      Son Excellence l’Ambassadeur Octavio Rainho
      Xavier Raufer
      Claude Revel
      Ingrid Riocreux
      Général Christophe de Saint Chamas
      Frédéric de Saint-Sernin
      Claude de Saint Vincent
      Philippe Schleiter
      David Simonnet
      Carlos-Ivan Simonsen
      François Soulard
      Guy Teissier
      Nicolas Tenzer
      Jean-Louis Tertian
      Hervé Théry
      Henri Thomé
      Denis Tillinac
      Michel Tsimaratos
      Roger Vandomme
      Hubert Védrine
      Pierre Verluise
      Guillaume Vuillemey
    • Mots-clefs

    • Infothèque

      • Aucune catégorie