4 février 2015 – Terrorisme, criminologie, médias et idéologies, l’implacable analyse de Xavier Raufer
Publié le 4 février 2015 par Bruno Racouchot
La France a secrété son propre terrorisme. Tel était le titre de la dernière tribune accordée par le criminologue Xavier Raufer au Figaro Magazine (30/01/15). Xavier Raufer n’a pas sa langue dans sa poche. Il démonte avec une lucidité exemplaire les logiques terroristes et criminelles à l’œuvre dans notre monde. Résolument à contre-courant de la pensée dominante, larmoyante et infantilisante, il pointe du doigt nos faiblesses. Et surtout il met en relief le jeu subtil des idées dans les stratégies d’influence. Avec une incroyable prémonition – fruit sans doute de sa méthode de décèlement précoce – il a sorti en novembre dernier Criminologie, la dimension stratégique et géopolitique (Editions Eska, 300 p., 30 €), une analyse qui intègre les jeux médiatiques et d’influence au cœur des entreprises terroristes et criminelles. Elle mérite d’être lue et relue à la lumière des récents événements de janvier. Voyons donc comment pour Xavier Raufer s’articulent terrorisme, criminologie, idées, médias et idéologies.
Un constat d’abord : notre monde, dit « info-centré », n’est en rien la continuité de l’ancien monde mais concrètement son exact opposé. Deux exemples : « Hier en France, l’idéologie dominante s’exprimait dans Le Monde ; or désormais, elle imprègne des feuilletons type Plus belle, la vie. Hier encore, les révolutionnaires combattaient l’ordre établi – parfois, les armes à la main ; or, du fait d’une commune et nouvelle proximité (pro-mondialisation… orientation libérale-libertaire) ces ex-révoltés ou leurs héritiers sont aujourd’hui les chiens de garde de l’idéologie dominante – certains étant même stipendiés par des prédateurs financiers genre Soros. » Ensuite, note-t-il, « les ‘puissances configuratrices’ de ce monde ‘info-centré’ ne tirent plus leur pouvoir, comme hier encore, de leur mainmise sur l’économie ou la finance, mais de ce qu’elles contrôlent en partie, et donc orientent, l’information mondiale au sens large (journaux, Web, édition, etc.). » Mais surtout, « dans notre monde ‘info-centré’, la puissance configuratrice par excellence est désormais l’infosphère, concept imaginé par le sociologue et philosophe Michel Maffesoli et qu’il nous faut ici définir, tant il importe. Au sommet de notre société, l’infosphère associe symbiotiquement des actionnaires-milliardaires et directeurs de médias, les suzerains, à des vassaux qu’ils dotent du ‘pouvoir de la parole’ : ‘intellos-vus-à-la-télé’, politiciens, grands commis, journalistes, artistes, etc. Gouvernant et informant à la fois, ce dispositif néo-féodal, ou cette caste, exerce ainsi un pouvoir décisif. »
Le système est dès lors verrouillé. De la sorte, « dans notre monde ‘info-centré’, exprimer des idées et opinions sortant du cadre idéologique de l’infosphère, s’éloignant de ce qu’elle veut, suggère ou tolère, devient fort difficile. Car quiconque s’écarte de son idéologie mondialiste-libertaire est d’usage sali, disqualifié ou condamné aux oubliettes. Pour cela, l’infosphère possède une vaste et efficace panoplie : étouffement par le silence, panique médiatique, tintamarre de l’indignation factice. Le danger tient justement à ce silencieux contrôle à distance de l’information. Car ce sournois alignement produit un massif aveuglement. Ce que l’infosphère ne voit pas, ne veut ou ne peut pas voir, est médiatiquement, donc socialement, oblitéré ; n’arrive ni à la connaissance ni à la conscience de l’opinion. »
Le système de l’information auto-centrée et auto-censurée est donc aveugle aux réalités du monde. D’où l’incapacité foncière de nos « élites » à comprendre ce qui se passe et le gouffre qui s’élargit de jour en jour entre elles et l’homme de la rue. « Conséquence inévitable : aveuglé par cette inondation de données trompeuses, dépassées ou illusoires, le segment politique de l’infosphère est quasiment condamné à préparer la guerre d’hier – voire à se tromper d’ennemi. Ce qui n’est pas anodin en matière de sécurité, car cela met en danger notre pays et nos concitoyens. » Diagnostic puissant que celui de Xavier Raufer ! Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a mis en exergue de Criminologie, la dimension stratégique et géopolitique une réflexion formulée par Emmanuel Todd : « Dans l’esprit du public, la classe politique n’existe pas prise isolément des médias. Il existe un système politico-médiatique qui perd, me semble-t-il, de plus en plus sa prise sur la réalité. » C’était en 2006, dans Libération. La tendance s’est à la fois aggravée et accélérée…
Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence
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