21 décembre 2015 – Attentats, gestion de crise, influence du mainstream et déni de réalité
Publié le 21 décembre 2015 par Bruno Racouchot
Xavier Guilhou est indéniablement depuis plus de trente ans l’un des meilleurs spécialistes français en matière de prévention des risques, gestion des crises et aide à la décision stratégique. Dotée d’une solide expérience civile et militaire, il a accompagné de près et sur le terrain les plus grandes catastrophes mondiales, catastrophes naturelles comme l’ouragan Katrina, crises sanitaires ou encore crises financières majeures. Spécialisée dans l’Intelligence territoriale, Comprendre & Entreprendre, la Lettre de l’EM Normandie, a eu la bonne idée de l’interroger au lendemain des attentats du 13 novembre à Paris. Au-delà des aspects techniques de la lutte contre le terrorisme, Xavier Guilhou explique comment, par aveuglement le plus souvent, nous nous retrouvons paralysés mentalement. Subjugués par la force des idées en vogue – du mainstream – nos élites dirigeantes font un déni de réalité. Ne pouvant et/ou ne voulant admettre le réel, elles se condamnent à l’impuissance. Les terroristes gagnent ainsi sur tous les tableaux : ils usent brutalement du hard power sachant dans le même temps que nous sommes mentalement prisonniers de nos propres schémas mentaux de représentation du monde, autrement dit sous influence…
La bienséance imposée par le politiquement correct nous interdit de la sorte de désigner les faits dans leur cruelle réalité. Ainsi des zones pudiquement dénommées de non-droit… De fait, force est de constater que « sous l’angle économique ou sociologique, nous savons comment se développent les zones instables et dangereuses. Le problème est que l’on observe en même temps un véritable déni de réalité » constate Xavier Guilhou, qui précise : « Risques industriels ou technologiques (cas AZF) et risques terroristes peuvent ainsi se télescoper ou se conjuguer. Or, nous pouvions nous douter de voir naître tôt ou tard des collusions dangereuses quand, dès l’aube des années 1990, nous constations que certains jeunes issus de l’immigration refusaient très nettement notre modèle de société. La politique de la ville n’a rien résolu et la situation a continué à se détériorer. Les responsables français ne voulaient pas admettre que la coupure qui s’instaurait était en fait d’ordre épistémologique. De la sorte, nous n’avons pas osé repenser l’organisation de nos espaces de vie, tant au plan sociétal qu’industriel et technologique, et pas voulu non plus évaluer les risques que faisait courir le développement des zones de non-droit. Résultat : nous nous retrouvons tout à la fois avec des risques industriels majeurs au cœur des villes et un terreau favorable au développement du terrorisme. A cela il faut ajouter que de plus en plus, sous l’influence du courant ultra-libéral, fer de lance d’une globalisation dérégulée, nombre de personnes s’affranchissent ouvertement des règles de vie en société, ce qui affaiblit nos capacités de résilience. »
Xavier Guilhou, qui est un compagnon de route de longue date de Communication & Influence, répète avec lucidité et ténacité dans ses différents écrits que « nous sommes confrontés depuis plus d’une décennie à des ruptures majeures qui se traduisent par des franchissements de seuils cruciaux pour la survivance de nos modèles de vie. Certains risques sont devenus explicites, comme la menace terroriste, la guerre des ressources, les confrontations d’ambitions au niveau mondial. D’autres nous déstabilisent dans nos certitudes, comme les récents désastres naturels du Tsunami en Asie du Sud, Katrina, la menace de la grippe aviaire ou Fukushima. Mais beaucoup émergent de façon implicite, en contournant nos croyances et nos défenses. Ces transformations majeures de nos environnements appellent un exercice de lucidité, une prise de recul plus stratégique et un apprentissage des nouvelles grammaires de la gestion des risques et du pilotage des crises. Elles exigent surtout de se recentrer sur des pratiques de management moins technocratiques et sur des comportements plus authentiques. »
En 2007, Xavier Guilhou avait publié chez Eyrolles Quand la France réagira. Tout était dit. Nos élites l’ont ignoré, comme tant d’autres qui avaient vu juste. Le confort intellectuel, la lâcheté ou la paresse créent des blocages mentaux qui se paient ensuite au prix fort dans les faits. L’influence de certaines idées est délétère, elle paralyse les esprits. En ce sens, l’influence est une arme. A nous de la retourner à notre profit. En l’occurrence, regarder lucidement la réalité, c’est se donner les moyens de prendre les mesures qui s’imposent en vue d’assurer notre survie.
Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence
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